POUROUGEPOULE

Gestion intégrée : le champ des possibles

  1. La gestion intégrée du pou rouge : qu'est-ce que c'est ?
    1. Gestion intégrée en général
    2. Modes d'action envisageables
  2. Pour aller plus loin : pourquoi la gestion intégrée contre le pou rouge des poules est-elle si délicate ?

Cette page survole les grands principes de la gestion intégrée des bioagresseurs de type insectes et acariens EN GENERAL et indique dans quelle mesure elle est ou peut être appliquée au pou rouge des poules. Elle vise à ouvrir le champ des possibles et ne constitue en aucun cas une liste de prescription. Nous encourageons les personnes qui souhaitent en savoir plus à se rapprocher de personnes compétentes (voir Conseils). Pour ceux qui souhaitent mieux comprendre les difficultés rencontrées et / ou mettre en place des tests, la partie "Pour aller plus loin ..." offre des pistes de réflexion croisant connaissances scientifiques et connaissances techniques.

La gestion intégrée du pou rouge : qu'est-ce que c'est ?

Gestion intégrée en général

La gestion intégrée des ravageurs et parasites est une approche systémique. Elle repose sur des combinaisons d'approches et outils basés sur des modes d'action variés et cherche à créer des synergies (stratégies). Largement développée au cours du XXème siècle dans les secteurs de production végétale (lire l'article wikipedia sur la Lutte intégrée ) et de la gestion des vecteurs de maladies humaines, elle a globalement commencé à être explorée tardivement en production animale.

La gestion intégrée met l'accent sur les approches préventives et s'appuie sur les 4 principes suivants :

Principe n°1 : suivre les infestations et appliquer les traitements seulement lorsqu'un seuil critique est dépassé.

Peut être partiellement appliqué grâce aux protocoles de suivi des infestations disponibles ici (fiches techniques pdf Mitecontrol piège et biologie). Les suivis par piégeage permettent de déterminer la présence ou non des acariens dans le bâtiment et d'évaluer approximativement l'évolution de l'infestation. Nous ne proposons pas de seuil critique car la dynamique démographique du pou rouge alterne des phases de latence très discrètes et des pullulations très brutales : dès lors que des poux rouges sont présents dans le bâtiment, ils peuvent se multiplier très rapidement et atteindre rapidement un niveau d'infestation critique en 15 jours

Principe n°2 : privilégier les outils de gestion alternatifs (biocontrôle au sens large) aux pesticides de synthèse et n'utiliser les insecticides/acaricides de synthèse qu'en dernier recours.

Nécessite le développement d'outils de biocontrôle au sens large et de stratégies les combinant. C'est l'objet principal de cette partie de notre site web. Le biocontrôle est un ensemble d'outils mettant en œuvre divers mécanismes impliqués dans les interactions entre les espèces dans le milieu naturel : lutte biologique par des ennemis naturels (ex. coccinelles prédatrices de pucerons ou bactéries pathogènes pour des insectes), médiateurs chimiques (attractants et répulsifs), substances insecticides / acaricides d'origine naturelles (plantes, minéraux …). Du fait de la complexité intrinsèque des (agro)écosystèmes, des études conséquentes, avec séquences tentatives-échecs successives, sont nécessaires avant de parvenir à des solutions satisfaisantes. Contre le pou rouge des poules, plusieurs modes d'action ont été explorés et parfois développés au cours du XXIème siècle (frise chronologique en pdf).

Principe n°3 : anticiper les résistances.

Nécessite des études sur les résistances aux outils alternatifs aux acaricides de synthèse : des travaux ont démontré l'émergence de résistances à des outils de biocontrôle chez d'autres bioagresseurs, cela reste à étudier chez le pou rouge. Des travaux ont par ailleurs démontré une prévalence non négligeable de résistances à des acaricides de synthèse anciens (pyréthinoïdes) chez le pou rouge.

Principe n°4 : évaluer l'effet des outils/stratégies.

Nécessite des études sur les résistances aux outils alternatifs aux acaricides de synthèse : des travaux ont démontré l'émergence de résistances à des outils de biocontrôle chez d'autres bioagresseurs, cela reste à étudier chez le pou rouge. Des travaux ont par ailleurs démontré une prévalence non négligeable de résistances à des acaricides de synthèse anciens (pyréthinoïdes).

Modes d'action envisageables

D'une manière générale, des modes d'action très variés peuvent être mobilisés pour gérer les populations d'insectes et d'acariens posant problème en milieu agricole. Bien qu'encore largement majoritaires en nombre dans de nombreux systèmes, les insecticides et acaricides de synthèse représentent une toute petite partie de la diversité des modes d'action possibles. Pour la gestion intégrée du pou rouge, aujourd'hui, il reste encore un large champ des possibles à explorer : un petit nombre d'outils mobilisant une partie des modes d'action possibles sont disponibles. D'autres outils sont à l'étude. Voici un aperçu des principaux modes d'action utilisés pour gérer des bioagresseurs en agriculture en général. Les pictogrammes signalent l'existence éventuelle d'outils actuellement disponibles contre le pou rouge des poules en France.

Schéma des modes d'actions pour gérer le pou rouge

Principaux modes d'action utilisés dans les domaines de la gestion intégrée des ravageurs en production végétale et des maladies vectorielles en santé humaine, regroupés en quatre grands types (code couleur). Ces grands types de mode d'action constituent des briques à assembler pour former des stratégies de gestion intégrée (veuillez-vous adresser à des personnes compétentes pour en savoir plus).

• Modes d'action ciblant la survie

Il s'agit alors de tuer directement des individus dans la population du bioagresseur. Peut être accompli par des outils très divers :

Substances toxiques (= insecticides, acaricides, antiparasitaires) de synthèse ou d'origine naturelle

Les insecticides, acaricides et antiparasitaires de synthèse appartiennent à différentes familles chimiques (pyréthrinoïdes, organophosphorés, isoxolazines, …). Ceux d'origine naturelle soit sont produits par des plantes, champignons ou bactéries, soit sont des substances minérales (ex. anciennement arsenic).

Contre le pou rouge des poules, des substances de synthèse sont soit pulvérisées dans le bâtiment, soit mélangées à l'eau de boisson des poules et une substance produite par des bactéries est pulvérisée (spinosad).

Poudres absorbantes

Les produits à base de silice contiennent principalement du dioxyde de silicium (SiO2) comme substance active. Le dioxyde de silicium absorbe le film lipidique de l'épicuticule des insectes et acariens essentiel au maintien de leur humidité interne grâce au caractère absorbant des particules. Cela entraîne leur mort par dessiccation.

Note : Il existe des silices synthétiques et naturelles. Les produits synthétiques ne contiennent que du dioxyde de silicium amorphe ; les produits naturels (terre de diatomée) contiennent du dioxyde de silicium amorphe ainsi qu'une petite quantité (<1%) de dioxyde de silicium cristallin.

Contre le pou rouge des poules, des poudres de silice de synthèse ou d'origine naturelle (terre de diatomées) sont utilisées par pulvérisation liquide ou saupoudrage. La pulvérisation projette une suspension aqueuse de poudre de silice, qui sèche sur les supports et forme ainsi une couche poudreuse continue.

Stress thermique

La plupart des insectes et acariens supportent très mal les chocs thermiques chauds. En outre, le pou rouge des poules survit assez peu à des températures prolongées >40°C.

Contre le pou rouge, des systèmes mobiles permettent d'installer temporairement des structures qui chauffent l'intérieur des bâtiments de manière à ce que les points les plus froids atteignent 45°C pendant quelques jours durant le vide sanitaire.

Lutte biologique

La lutte biologique s'appuie sur l'adage : « l'ennemi de mon ennemi est mon ami… ». Les ennemis naturels des bioagresseurs sont leurs prédateurs ou leurs pathogènes : divers insectes, araignées ou acariens se nourrissent d'autres invertébrés et des champignons, bactéries ou virus pathogènes leur causent des maladies. Ces ennemis naturels constituent des « auxiliaires ». On distingue trois grands types de lutte biologique :

  • a. En lutte biologique par acclimatation, on inocule des ennemis naturels initialement absents du milieu, transfĂ©rĂ©s depuis d'autres milieux, que l'on cherche Ă  installer durablement. Cela concerne gĂ©nĂ©ralement des bioagresseurs nouvellement arrivĂ©s dans un système ou dans une aire gĂ©ographique (invasion en cours).

  • b. En lutte biologique par augmentation, on procède Ă  des introductions massives d'ennemis naturels, produits par Ă©levage de masse, qui viennent augmenter l'activitĂ© des ennemis naturellement prĂ©sents dans le milieu.

  • c. En lutte biologique par conservation, on favorise les ennemis naturels du bioagresseur spontanĂ©ment prĂ©sents dans le milieu

Plusieurs espèces d'acariens, d'autres arachnides et d'insectes prédateurs se développent spontanément dans les bâtiments de pondeuses, mais aucune action régulatrice n'a été détectée malgré des expérimentations menées à différentes échelles : la lutte biologique par conservation semble assez peu pertinente à ce jour. Dans le cadre de la lutte biologique par augmentation, des acariens prédateurs sont élevés en masse et commercialisés pour introduction massive dans les bâtiments de pondeuses.

Note : Le pou rouge des poules étant présent en France et dans les élevages de volailles depuis très longtemps, il n'est pas concerné par la lutte biologique par acclimatation.

• Modes d'action ciblant la reproduction

L'objectif est d'empêcher les mâles et femelles du bioagresseur de se reproduire. Deux groupes de modes d'action existent dans d'autres systèmes :

Technique de l'insecte stérile (TIS)

La TIS consiste à réaliser des lâchers massifs de bioagresseurs mâles stérilisés. Par un phénomène de compétition avec les mâles sauvages fertiles, les mâles lâchés dont les accouplements ne produisent pas de descendance, limitent la fécondation des femelles. Cette technique nécessite l'élevage en masse du bioagresseur et la stérilisation (généralement par radiations) et la séparation des mâles (il ne faut pas relâcher de femelles). A ce jour, la TIS a été appliquée uniquement à des bioagresseurs insectes (d'où le nom), soit ravageurs de plantes, soit vecteurs de maladies humaines (moustiques, mouches tsé-tsé).

À ce jour, la technique n'a pas été explorée contre le pou rouge. Une étude fondamentale a mesuré les effets de rayons gamma sur sa longévité et sa fécondité. Mais pour déterminer si une "Technique de l'Acarien Stérile" (TAS) pourrait être envisagée pour la gestion du pou rouge, non seulement des études fines sur la biologie de sa reproduction et l'effet de différents types et doses de rayonnements sont nécessaires, mais encore des verrous techniques majeurs sont à lever : mettre au point une technique pour distinguer les sexes sur individus vivants (on sait distinguer les sexes sur individus morts ; cela est très difficile sur les vivants, impossible sur un grand nombre d'individus) & élaborer un protocole d'élevage de masse de pou rouge efficace, sécurisé et conforme aux règles éthiques.

Confusion sexuelle

Le principe de la technique est de perturber la phase de rapprochement des bioagresseurs mâles et femelles par émission de phéromones synthétiques en grande quantité. Ces phéromones sont des odeurs qui imitent la substance naturelle émise par la femelle pour attirer le mâle. Dans l'atmosphère saturée en phéromone, les mâles sont incapables de localiser les femelles et les accouplements sont moins nombreux, la descendance produite est par conséquent réduite. Elle est surtout utilisée pour gérer des lépidoptères ravageurs de plantes.

La technique de la confusion sexuelle n'a jamais été explorée à ce jour pour gérer le pou rouge des poules. Pour déterminer si elle est envisageable, il faudrait dans un premier temps voir si et comment une phéromone participe à la rencontre des sexes chez le pou rouge (à notre connaissance, aucune étude n'a exploré ces aspects). Le cas échéant, il faudrait ensuite la caractériser chimiquement pour la reproduire, réaliser des expérimentations pour vérifier qu'elle affecte bien la rencontre des sexes et a bien des conséquences sur la dynamique de populations du pou rouge.

• Modes d'action par interférence

L'objectif est d'interférer dans la relation biologique entre le bioagresseur et la plante ou l'animal de production. Divers modes d'action sont possibles, dont certains à utiliser en combinaison :

RĂ©pulsifs

Il est parfois possible de décourager le bioagresseur de contacter la plante ou l'animal de production en utilisant une substance répulsive, c'est-à-dire une odeur (ou un goût) qui provoque chez le bioagresseur un comportement de fuite. Une difficulté majeure est la conception spatiale de l'usage de l'outil, qui doit induire chez le bioagresseur un comportement de fuite à distance de la proie ou hôte, ou une répugnance à utiliser les gîtes appropriés. Sachant que le bioagresseur peut s'habituer rapidement à une odeur répulsive, répandre un répulsif partout dans un système n'a pas beaucoup de sens (le bioagresseur ne peut rien fuir au final). Les stratégies « push-pull » (pousser-tirer) combinent un répulsif positionné de manière à repousser le bioagresseur (« push », au moyen du répulsif) loin de la plante ou l'animal de production et un leurre attractif (voir ci-dessous) l'attirant (« pull ») ailleurs.

Certains compléments alimentaires à base de plantes sont additionnés à l'aliment ou l'eau de boisson des poules afin de rendre l'odeur globale de la poule répulsive vis-à-vis du pou rouge des poules.

Leurres attractifs

Des signaux odorants, visuels, voire thermiques, peuvent attirer le bioagresseur vers des zones bien identifiées et le détourner de la plante ou de l'animal de production. Des odeurs synthétiques peuvent mimer des odeurs naturelles : les kairomones, odeurs émises par les plantes ou animaux hôtes qui attirent les herbivores ou les microprédateurs hématophages (respectivement), les phéromones d'agrégations, substances produites par les congénères et favorisant leur regroupement dans des gîtes appropriés... Des sources de chaleur peuvent détourner les insectes et acariens hématophages au cours de leur recherche d'hôtes à sang chaud.

Généralement, les leurres attractifs sont associés avec un mode d'action de type 1 ou de type 4 dans des stratégies « Attract & Kill » : on attire le bioagresseur dans un piège qui le tue (électrisation, substance toxique) ou le retient définitivement (ex. glue). La finalité des systèmes « Attract & Kill » peut-être la réduction des populations du bioagresseur en les tuant massivement dans les pièges (principe n°2), ou bien le suivi des infestations en maximisant les chances de piéger des bioagresseurs pour les détecter précocement (principe n°1 de la gestion intégrée). On peut associer des pièges « Attract & Kill » à un répulsif dans le cadre de stratégies « Push-pull » (voir plus haut).

Les poux rouges étant aveugles, il n'est pas pertinent d'envisager des leurres visuels. Quelques travaux en cours ou passés se sont intéressés à l'usage de kairomones ou d'autres substances pour appâter des pièges destinés au pou rouge des poules, mais à notre connaissance rien n'est disponible à ce jour. Note : il est difficile de retenir simplement l'acarien au moyen de glue ou d'huile car il sonde continuellement le substrat sur lequel il marche avec ses tarses avant et recule immédiatement lorsqu'il détecte la matière.

Stimulation des défenses

Contrairement aux autres outils listés ici, les outils de stimulation des défenses naturelles sont beaucoup plus développés dans le domaine de la production animale que de la production végétale : des vaccins sont administrés à l'animal de manière à provoquer son immunité protectrice et durable en stimulant la production d'anticorps. De nombreux vaccins sont disponibles pour gérer des bioagresseurs de type microorganismes en élevage (maladies bactériennes ou virales). En revanche, il existe à ce jour très peu de vaccins contre des bioagresseurs de type insectes ou acariens (un vaccin contre une espèce de tique).

De nombreuses études passées ou en cours recherchent des antigènes candidats pour développer un vaccin contre le pou rouge. En attendant d'y parvenir, un autovaccin a été mis au point et utilisé au Royaume-Uni (non autorisé en France) : préparé à partir de poux rouges prélevés spécifiquement dans l'élevage à traiter, il est administré par injection intra-musculaire.

Races résistantes

Certaines variétés végétales cultivées ou races animales élevées se trouvent être plus résistantes à certains bioagresseurs que d'autres, soit parce qu'elles ont été sélectionnées pour cela, soit par hasard. Par exemple, il existe en Afrique des races locales de bovins tolérantes à la trypanosomose (maladie transmise par les mouches tsé-tsé) et des lapins résistants à la myxomatose ont pu être sélectionnés.

A ce jour, à notre connaissance, aucune race de poule n'a été identifiée comme particulièrement résistante au pou rouge des poules.

• Modes d'action par entrave

Il s'agit d'entraver l'accès du bioagresseur à la plante ou l'animal de production ou aux gîtes.

Glues, graisses minérales ou végétales

Glues et graisses permettent de former des barrières physiques infranchissables par les insectes sans ailes et les acariens. Leur action est principalement mécanique, par leur affinité forte avec la cuticule : la surface du corps de l'insecte ou de l'acarien est plus ou moins envahie par capillarité, cela réduit la liberté de mouvements des pattes et peut obturer les orifices respiratoires. Selon la localisation et le mode d'application de ces matières, on peut ainsi entraver l'accès des bioagresseurs qui ne vivent pas sur l'hôte (microprédateurs; voir le saviez-vous ? n°1) à la plante ou l'animal de production et limiter l'accroissement de leurs populations. Introduire dans les microhabitats des matières gênant les allées et venues des bioagresseurs peut limiter l'espace disponible pour le développement de leurs populations.

L'application d'huiles ou de graisses plus épaisses à l'aide d'un pinceau ou directement dans les interstices où s'accumulent les poux rouges (identifiables même après leur départ par les traces de fientes persistantes; voir la question : Comment savoir s'il y a des poux rouges dans le bâtiment / poulailler ?), vise à dissuader les poux rouges de s'accumuler dans les zones traitées. On en applique notamment dans les parties des structures portant les perchoirs et dans les interstices entre les caillebotis en élevages au sol. Des applications répétées sont généralement nécessaires car, avec le temps, l'accumulation de poussière forme une pellicule qui permet aux acariens de marcher sur les substances sans effet néfaste et de s'installer à nouveau.

Savons et autres tensio-actifs

L'application de savons purs (ex. savon noir) peut jouer un rôle similaire au glues et graisses. En outre, des lavages à l'eau savonneuse permettent aussi d'éliminer mécaniquement une partie des populations de bioagresseurs (ex. lavage de feuilles d'arbres pour éliminer des pucerons).

L'application de savon noir pur peut aussi être réalisée comme décrit plus haut pour les huiles et autres graisses pour gérer le pou rouge. En outre, l'ajout de savon à l'eau de lavage durant le vide sanitaire contribue à réduire temporairement la population de poux rouges par élimination mécanique tout en favorisant leur noyade (abaissement de la tension de surface de l'eau permettant son entrée dans les orifices respiratoires).

Barrières physiques
  • Structures infranchissables : moustiquaires et autres filets

    Rien de tel contre le pou rouge Ă  notre connaissance.

  • Structures Ă©lectrifiĂ©es : Il existe des clĂ´tures Ă©lectriques pour proteger les volailles des renards et autres mammifères prĂ©dateurs ainsi que des dĂ©sinsectiseurs Ă©lectriques pour Ă©lectriser les insectes volants (mouches, moustiques).

Un perchoir électrifié a été conçu aux Pays-Bas pour empêcher les poux rouges d'accéder aux poules perchées (les acariens qui cherchent à les atteindre en grimpant sur le perchoir sont électrisés). Il doit être intégré à la structure interne du bâtiment.

En savoir plus

Site Web :

Articles scientifiques :

Pour aller plus loin : pourquoi la gestion intégrée contre le pou rouge des poules est-elle si délicate ?

Le système est complexe : il faut de la patience (principe n°2).

De nombreuses solutions prometteuses se heurtées et se heurtent à des échecs récurrents. Ces difficultés ne sont pas si surprenantes : l'écosystème des poulaillers, même s'il paraît simplifié comparé à des écosystèmes naturels, héberge une diversité d'êtres vivants, en plus des poules, des poux rouges et des mouches : des dizaines d'espèces d'insectes et d'acariens, de nématodes, de protozoaires, de champignons microscopiques ont été recensées dans les bâtiments de pondeuses (voire un poster scientifique et une notice explicative des techniques d'ADN environnementale), sans compter les bactéries et virus.

La plupart de ces organismes n'ont pour la plupart pas d'impact négatif sur les poules ni les hommes. Certains ont sans doute des effets positifs. Mais ce qui est certain, c'est que leurs interactions sont innombrables et globalement méconnues. La réponse du pou rouge aux différentes pratiques de gestion est nécessairement affectée par la complexité du système. En comprendre les bases fondamentales est nécessaire pour progresser sur le plan opérationnel : cela demande de la recherche, donc du monde et du temps.

Pourquoi un produit qui tue des poux rouges in vitro n'est-il pas nécessairement efficace (principe n°2) ?

Pour qu'une stratégie de gestion puisse être considérée comme efficace, elle doit empêcher ou limiter le développement des populations de pou rouge et se traduire par une réduction ou une élimination des dégâts. La dynamique démographique du pou rouge est généralement très discrète en début de la bande et s'accélère de manière exponentielle au bout de quelques mois (pullulation) (cf le saviez-vous ? n°1). Des pullulations équivalentes à celles atteintes en élevage ont été obtenues en conditions contrôlées et de manière répétée à partir de l'équivalent d'un tout petit agrégat (voir figure ci-dessous).

Courbe qui décrit l'évolution très rapide des populations de pou rouge. À partir de 200 femelles on obtient 444 774 poux en 40 jours.

Au laboratoire, des lots de 200 femelles adultes de poux rouges (équivalents à des agrégats d'environ 1 cm de diam.) ont été inoculés dans plusieurs dizaines d'isolateurs étanches aux acariens hébergeant chacun une petite poule (mésocosmes clos). Après différents nombres de semaines, la poule a été retirée, les acariens ont été extraits de chaque isolateur et comptés. Le graphique ci-dessus montre le nombre moyen de poux rouges obtenus à partir de 200 femelles adultes en axe vertical après les durées indiquées en axe horizontal. De même, l'inoculation de 3 poux rouges dans un poulailler expérimental hébergeant 5 poules a permis le développement d'une population pullulante (nombreux agrégats visibles un peu partout) en moins de 4 mois.

Il est fréquent de se heurter à l'inefficacité d'outils de gestion dont le mode d'action est pourtant avéré. Aucune solution ne touche absolument tous les poux rouges dans le poulailler et il suffit d'un petit nombre d'individus pour qu'une population énorme se développe après quelques mois. C'est pourquoi tuer des individus ne suffit souvent pas à éviter les pullulations de pou rouge.

Les raisons en sont multiples, voici les principales :

  • Ă  l'Ă©chelle du bâtiment, la rĂ©partition spatiale des poux rouges est très hĂ©tĂ©rogène, aucune intervention ne peut porter sur l'ensemble du bâtiment de manière homogène

  • localement, les produits pulvĂ©risĂ©s Ă  faible rĂ©manence ne touchent qu'une petite partie de la population de pou rouge, car une grande partie demeure accumulĂ©e dans les interstices (cf le saviez-vous ? n°1)

  • Ă  l'Ă©chelle de la population de pou rouge, tous les individus ne vont pas manger en mĂŞme temps, ce qui empĂŞche les antiparasitaires administrĂ©s par l'eau de boisson de toucher tous les acariens. MĂŞme si les poux rouges en jeĂ»ne depuis plusieurs jours sont en gĂ©nĂ©ral affamĂ©s, certains demeurent en jeĂ»ne durant des semaines malgrĂ© la prĂ©sence de poules.

  • les prĂ©dateurs mangent rarement la totalitĂ© de la population de proies, peuvent manger d'autres proies prĂ©sentes dans le bâtiment (acariens de la poussière) et sont souvent aussi charognards (ils peuvent tirer de l'Ă©nergie des cadavres de proie, qu'ils ne tuent pas).

Pourquoi il est difficile d'évaluer l'efficacité des stratégies de gestion du pou rouge (principe n°4) ?

Le mode d'action d'un outil de gestion peut être évalué sur des individus poux rouges (ex. observation de la prédation par des acariens prédateurs sur des poux rouges, de la mortalité induite par le contact avec un acaricide, du comportement de répulsion vis-à-vis d'une substance …). L'efficacité doit par nature être évaluée au moins à l'échelle des populations de bioagresseur, car un effet avéré sur des individus (même sur beaucoup d'individus) ne se traduit pas nécessairement par un effet sur la population infestante (voir plus haut).

Un outil de gestion (traitement) efficace contre le pou rouge doit limiter les effets néfastes de la présence de l'acarien sur le bien-être et la santé des poules, ainsi que sur la production. Pour faire véritablement la preuve de l'efficacité, il faudrait montrer que le traitement augmente le bien-être, la santé des poules et/ou la production. Comme ces paramètres sont difficiles à mesurer et répondent généralement au traitement avec des temps de retard importants, il est très délicat de les utiliser pour établir l'efficacité. On cherche plutôt à vérifier que le traitement réduit la taille des populations du pou rouge (infestation), considérant que, par un effet cascade, cela augmentera les paramètres ci-dessus.

Test idéal

Pour voir si un traitement réduit la taille de la population du pou rouge, il faut voir si la variation due au traitement est non seulement une baisse systématique, mais aussi une baisse supérieure à la variation naturelle. Pour éviter de confondre les effets du hasard et ceux du traitement, il faut pouvoir mesurer la variation naturelle. L'idéal serait de comparer plusieurs bâtiments exactement identiques, avec une infestation initiale exactement identique (même nombre d'acariens aux mêmes endroits au début). Le traitement serait appliqué dans la moitié des bâtiments et les autres seraient maintenus sans traitement (témoins de la variation naturelle). Un suivi rigoureux de la taille de la population de poux rouges serait réalisé dans chaque bâtiment. Cela est impossible dans « la vraie vie », c'est-à-dire dans les bâtiments d'élevage fonctionnels, car on ne peut jamais s'assurer d'avoir une infestation initiale comparable entre les bâtiments. Pour cela il faudrait d'une part posséder un moyen d'élimination complète du pou rouge (ce qui manifestement n'existe pas à ce jour, sauf à brûler le bâtiment et le reconstruire), d'autre part, introduire volontairement des poux rouges et maintenir des bâtiments sans traitement (témoins), ce qui pose des problèmes d'éthique et de production. Par conséquent, ce type de démarche n'est pas applicable en dehors de contextes expérimentaux stricts.

L'équipe de L. Roy a développé des systèmes expérimentaux spécifiques, nommés mésocosmes clos qui permettent d'atteindre ces standards dans des conditions intermédiaires entre laboratoire et terrain : ces unités, validées par un comité d'éthique, sont étanches aux acariens et permettent d'héberger, nourrir et abreuver des poules individuelles, en présence d'inoculums d'acariens contrôlés. Plusieurs dizaines d'exemplaires exactement identiques permettent de mesurer la variation naturelle de l'évolution de la taille des populations de poux rouges en fonction de traitements divers dans des environnements mimant les écosystèmes de poulailler. Leur usage cependant nécessite de mobiliser une équipe spécialisée et des locaux spécifiques.

Ce qui se fait

Faute de pouvoir conduire des expérimentations contrôlées en contexte d'élevage, on conduit généralement des quasi-expérimentations en comparant des indicateurs du niveau d'infestation avant et après le traitement. Des pièges et autres outils de suivi des populations de poux rouges sont disponibles pour usage dans les élevages (fiches techniques pdf Mitecontrol piège et biologie). Mais mesurer une baisse des valeurs relevées (nombre de poux rouges piégés ou autres) dans un bâtiment d'élevage après un traitement comparées aux valeurs relevées avant ne suffit à en établir l'efficacité. Une baisse du nombre de poux piégés ou d'agrégats visibles peut être due aux fluctuations typiques des pullulations de poux rouges (hausses et des baisses successives du nombre d'individus vivants dans le bâtiment) et aux variations dans la fréquentation des pièges (les poux rouges ont plus ou moins tendance à entrer dans les pièges) dues à une grande diversité de facteurs. Et comme la distribution spatiale des agrégats invisibles de poux rouges est considérablement hétérogène, une baisse locale du nombre de poux dans une dizaine de pièges placés à différents endroits du bâtiment n'exclut pas du tout la présence de foyers en développement ailleurs dans le bâtiment (théoriquement il faudrait suivre des centaines de pièges pour estimer l'infestation d'un bâtiment).

Réaliser le traitement testé plusieurs fois successives dans un bâtiment donné et observer systématiquement des baisses du nombre de poux piégés juste après l'intervention et supérieures aux baisses relevées entre les interventions permet de réunir des indices de l'efficacité du traitement. Cela implique des suivis très réguliers sur plusieurs bandes successives avec plusieurs relevés successifs avant et après chacune des applications de traitement. Et il est fortement recommandé de réaliser ces quasi-expérimentations de type avant/après dans plusieurs exploitations différentes. Très chronophages et contraignantes, ces démarches d'évaluation sont rarement réalisées dans leur totalité. C'est pourquoi, l'efficacité véritable de la plupart des traitements est relativement mal connue. Il est fréquent de croire à tort qu'un traitement marche parce que l'on a mesuré une baisse du nombre de poux piégés lors d'un ou deux essais. Cela est d'autant plus vrai pour les stratégies de gestion intégrée, qui reposent sur des combinaisons d'outils et sont par nature très fastidieuses à tester.

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Articles scientifiques :